M. Ruchat: Le "Roman de Solon"

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Titel
Le "Roman de Solon". Enfant plaçé - voleur de métier 1840-1896.


Autor(en)
Ruchat, Martine
Herausgeber
Editions Antipodes
Erschienen
Lausanne 2008: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
158 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Geneviève Heller Racine

Ce roman historique met en scène un personnage, Marc Solon, dont la vie a été chaotique dans la Genève populaire du XIXe siècle. On découvre d’abord l’adulte,voleur de droit commun ayant subi 33 condamnations, emprisonné maintes fois, au total dix-huit années; puis l’enfant trouvé, placé et déplacé durant toute son enfance, arrivé à 12 ans à La Garance, une institution pour enfants difficiles; enfin le nourrisson abandonné par une mère elle-même abandonnée. Ce propos est délibéré: il s’agit de remonter dans le temps, des souvenirs récents de Solon aux plus anciens, pour tenter de comprendre pourquoi il n’a pas vécu de manière rangée avec un métier et une famille. C’est un constat d’échec: l’éducation voulue par les philanthropes n’a pas donné les résultats escomptés.

Le vécu au quotidien de Solon, les circonstances de ses délits, l’atmosphère dans la prison de Saint- Antoine ou dans les bas quartiers de la ville sont très suggestifs ainsi que les frasques et les évasions du jeune garçon qui finit par se faire renvoyer de La Garance malgré les efforts du directeur. L’auteure, l’historienne Martine Ruchat, avait de quoi nourrir une telle fiction. Pionnière de l’histoire de l’éducation correctionnelle au XIXe et au début du XXe siècles en Suisse romande, avec notamment ses publications de L’oiseau et le cachot (1993) et Les Chroniques du mal (1998), elle a pu explorer dans les archives un véritable réseau de sujets (asile, prison, philanthropie, lutte contre l’alcoolisme) et s’en imprégner. Mais, à force de ne rencontrer que des fragments de destinées, peut-être frustrée des lacunes inhérentes aux trous de l’histoire, elle a choisi de composer une vie dans la durée. À partir des quelques données concernant Solon dans les archives judiciaires et dans le journal du directeur de La Garance, elle construit sa biographie; elle a même l’audace de décrire avec précision des archives fictives.

La fiction et la réalité s’entremêlent en effet déjà dans l’introduction, insolite dans un roman, où elle explique comment cette biographie aurait été récoltée et composée par trois intermédiaires: Henri Lejeune, ouvrier militant (1896) ; son fils Charles, employé postal et historien amateur (1970) ; elle-même enfin aujourd’hui. Cet artifice original des trois «auteurs» permet de questionner et de commenter la destinée de Solon. Ainsi Charles constate: «Solon n’a jamais pu se soustraire aux premières marques de sa vie, en ayant connu l’enfermement si jeune, il s’en est nourri comme d’autres se sont nourris de soleil et de tendresse maternelle. Et indéfiniment, il a recherché ce qu’il connaissait déjà» (p. 137).

Ainsi, grâce à une oeuvre de fiction très suggestive et écrite avec talent (excepté le style peu adapté de Solon),Martine Ruchat donne à voir son personnage pris dans les mailles de la philanthropie, de la police et de la délinquance de manière plus vivante et plus accessible qu’une étude historique. Deux thèses traversent Le «Roman de Solon». D’une part, l’idée d’un déterminisme social associé à un pessimisme éducatif et à une suspicion à l’égard de la sincérité des philanthropes. D’autre part, le goût de l’archive (Charles Lejeune va même jusqu’à voler temporairement un registre), avec un fervent plaidoyer pour la conservation des traces du passé.
Ajoutons que ces dernières années le thème historique des enfants placés a occupé une place certaine dans les médias grâce à des témoignages d’adultes; Le «Roman de Solon» vient à propos. La biographie de Solon, issue d’une rencontre, «celle de l’archive et de l’imagination» (p. 153), a permis à l’historienne de réhabiliter un personnage dont la vie n’avait eu aucune valeur pour ses contemporains. C’est peut-être un acte militant, prêté par Martine Ruchat à Henri Lejeune.

Citation:
Geneviève Heller Racine: compte rendu de: Martine Ruchat, Le "Roman de Solon". Enfant placé - voleur de métier 1840-1896, Lausanne: Éd. Antipodes, 2008, 158 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 117, 2009, p.267-290.

Redaktion
Veröffentlicht am
16.03.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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